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Frontier Dreamcast, lorsqu'un MMO de Turbine avait failli débarquer sur Dreamcast

La Dreamcast était la vision brillante de SEGA pour le futur du jeu vidéo sur console. Un avenir dans lequel la technologie devenait une seconde nature et où la substance créative essentialisait leurs productions. Une vision  prospective où les développeurs possédaient les ressources et les outils nécessaires pour relever les nombreux défis de programmation qui les attendaient. Une expétative où les consoles de nouvelle génération entraient définitivement dans l'aire des jeux en réseau permettant aux joueurs, par milliers,  de s'affronter en ligne. Ce futur, brisé en mille morceaux en 2001,  semblait trop beau pour être vrai. Et pourtant, près de 20 ans après, les constructeurs de consoles actuelles ont tous suivi la trajectoire de SEGA entamée avec la Dreamcast au début du deuxième millénaire.

Quand nous n'étions que 6 milliard d'habitants

Dreamcast commercial 6 billion players

Sur de multiples aspects, l'intuition de SEGA était vraie. Les jeux furent innovants dont certains sont encore montrés en exemple de nos jours, et pas des moindres. Les développeurs prenaient plaisir à travailler sur Dreamcast. Comme les joueurs, ils en gardent d'excellents souvenirs. La courte longévité de la console ne permit pas d'exploiter pleinement les possibilités offertes par le jeu en ligne alors dans ses balbutiements.

SEGA tenta timidement de mettre en avant le jeu en réseau. Phantasy Star Online et Quake 3 Arena (article avec interview à découvrir ici) marquèrent la génération de consoles 128 bits grâce à leur facilité d'accès au Online. Les joueurs Dreamcast se faisaient face dans des deathmatchs ensenglantés sur la licence de John Carmack ou s'aventuraient en coopération dans les terres sauvages mais mélancolique de Ragol. Ces deux titres, parfaitement calibrés et optimisés, fonctionnaient impeccablement en ligne sans problèmes particuliers de latence ou de plantage de serveur pouvant survenir sur certains MMOs PC (surtout à leurs lancements). Les softs proposant des fonctionnalités Internet sur Dreamcast ne furent pas nombreux. La raison, tout le monde la connaît...

« Je pense que les consoles de l'ère Dreamcast et PS2 n'étaient probablement pas assez puissantes pour un MMO traditionnel, mais une limitation plus importante est probablement que les utilisateurs de consoles de l'époque ne s'attendaient pas encore à ce que leur console soit en permanence en ligne. »

Une rare photo de Frontier DC

La question que beaucoup de fans de la Reine Blanche et de développeurs ayant œuvré sur des jeux massivement multijoueurs prévus sur Dreamcast se posent est de savoir si la console était capable d'afficher des jeux aussi complexes sans devoir faire d'énormes concessions. La Dreamcast était-elle capable de faire tourner des Mondes Ouverts de ce genre ou les zones auraient-elles dû être instanciées ? Des MMOs étaient pourtant en développement sur Dreamast mais furent annulé à des stades précoces, comme vous le découvrirez dans cet article retraçant l'histoire de l'un d'entre eux, Frontier, un partenariat entre SEGA et Turbine !

Frontier Dreamcast

« C'est une question légitime. En notre faveur, le fait que le moteur de Turbine était destiné à des PC peu performants pour commencer. Je pense que le jeu Dreamcast aurait eu des limites supplémentaires, et aurait même pu aller vers un monde plus segmenté au lieu d'un monde complètement ouvert, et nous aurions dû aller plus loin dans le développement pour apprendre ce dont il était question. »

Cette question reste sans réponse, aucun véritable MMOs n'a pu aboutir sur la console à spirale !

Frontier et ses origines

Chris Foster (citation en italique de cet article) avait étudié le cinéma à l'université et envisageait de faire carrière dans le septième art comme scénariste ou monteur. Sa vie professionnelle ne faisant que commencer, elle prendra une tout autre trajectoire en parcourant, un jour,   les petites annonces d'un journal local. La société de jeux vidéo Impression Software recherchait un employé pour son service clientèle. C'est ainsi qu'il intégrera l'Industrie vidéoludique.

« Tout d'abord, bonjour ! C'était une période amusante et (relativement) précoce de ma carrière, et c'est agréable d'avoir l'occasion de regarder en arrière et de réfléchir. »

Après 5 ans de bons et loyaux services pour Impression Software, tout d'abord à effectuer divers travaux  puis finalement comme concepteur et producteur sur certains titres, il était temps pour lui d'évoluer vers une nouvelle entreprise. Turbine lui semblait être la  compagnie de développement de jeux vidéo idéale pour parfaire son savoir. Il déposera ses valises pendant 9 ans, dans la région de Boston et oeuvra principalement en tant que responsable créatif et concepteur sur des jeux massivement multijoueurs tel que Asheron's Call ou le Seigneur des Anneaux en ligne, sans oublier d'autres projets Unreleased comme Monster Island et Frontier Dreamcast.

L'ancien logo de Turbine est bien plus joli que le nouveau

turbine-logo-Asheron's-Call.webp

« Turbine a toujours été mis au défi de fournir des jeux de cette envergure en tant que studio indépendant relativement petit. Il est également intéressant de comparer les ambitions affichées ici (Frontier) avec ce qui a effectivement été livré sur Dreamcast : Phantasy Star Online. Ce jeu a fait de nombreux choix intelligents en se concentrant sur de petites équipes plutôt que sur un monde ouvert partagé. »

Après Turbine, il travailla 11 ans pour Harmonix sur des jeux tel que Rock Band puis quelques années dans le studio de développement Fire Hose Games avant d'occuper finalement son poste actuel chez Hidden Door ou lui et son équipe créent un jeu qui permettra aux joueurs de jouer de nouvelles aventures dans leurs mondes fictifs préférés non sans rappeler l'Oasis du film Ready Player One et la planète Doom par exemple, en extrapolant...

« J'étais le concepteur principal de Frontier. J'ai également été concepteur des systèmes d'interface utilisateur pour Asheron's Call, le premier jeu en ligne massivement multijoueur du studio, et après la fin de Frontier, je suis devenu le concepteur principal en direct de ce jeu pendant un certain temps. »

Une référence du MMORPG

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Alors que le développement de Asheron's Call avançait bien, Turbine cherchait des opportunités pour entreprendre un nouveau projet de jeux vidéo en parallèle, toujours sur le moteur actuel du studio se nommant basiquement "Turbine Engine".  Au même moment, SEGA of America s'appliquait à trouver des moyens d'exploiter le modem de la Dreamcast et de promouvoir leur console nouvelle génération. La société créée par Jon Monsarrat, Jeremy Gaffney, Kevin Langevin et Timothy Miller commençait à se faire un nom dans l'univers des jeux vidéo jouables en ligne. Asheron's Call impressionnait partout ou il était présenté. La réputation de Turbine ne cessait de s'amplifier.  SEGA ne tarda pas à jeter son dévolu sur le studio Bostonien afin de démontrer qu'un jeu massivement multijoueur pouvait fonctionner sur Dreamcast avec le savoir faire des développeurs de Turbine. Cette collaboration entre SEGA et Turbine donna naissance à Frontier, un MMO qui sera hélas annulé pouvant être considéré comme la première tentative connue de concevoir un tel jeu sur une console de salon.

« Je ne me souviens pas si nous avons contacté SEGA en premier, ou si c'est eux qui nous ont contactés. c'est donc l'opportunité de travailler sur une nouvelle console qui a motivé le projet, et nous avons présenté et conçu Frontier comme un jeu qui, selon nous, se prêterait bien au jeu sur console, et qui romprait avec les MMO fantastiques qui étaient largement la norme à l'époque. »

L'intention de Frontier Dreamcast était d'amener un groupe de plus de 4 joueurs dans une expérience de MMO sur console. Le moteur, un de ses points forts, permettait de le faire. Asheron's Call pouvait accueillir des centaines de joueurs dans un même monde et environ 30 dans une même zone. Ces chiffres auraient été sans doute inférieurs sur Dreamcast avec Frontier. Les développeurs auraient dû adopter une approche différente pour proposer  ce type de jeu en dehors du PC sans oublier le défi technique, à cette époque, de porter un MMO sur console suivant les spécificités de celle-ci.

Cover Homemad du jeu réalisée par Benedikt Scheffer

Cover Frontier Dreamcast

« Le développement n'est pas allé assez loin pour répondre aux questions concernant la connexion et les lobbies. »

Les relations entre SEGA of America, l'éditeur, et Turbine, le développeur, étaient excellentes. Les responsables de la branche américaine de SEGA étaient enthousiasmés par les premières ébauches de Frontier. Les membres de Turbine eurent même droit, en primeur, à la stratégie de SEGA pour la Dreamcast bien avant son lancement aux États-Unis.

« Je me souviens être entré dans la partie privée de leur énorme stand de l'E3, peut-être en 1998, où nous avons pu tenir à tour de rôle une première maquette confidentielle de leur manette, sculptée dans du bois. En tant que joueur, j'étais ravi d'avoir accès à ces premiers moments de l'histoire d'une nouvelle console. »

Frontier, son scénario et ses mécaniques de jeu

Le scénario de Frontier prévoyait d'explorer une planète peuplée par des formes de vie extraterrestres menaçantes. Pour ne pas risquer leurs existences, les joueurs devaient créer des créatures génétiquement modifiées pour s'aventurer à leur place dans un monde aux environnements hostiles, aux ruines mystérieuses et aux monstres plus dangereux les uns que les autres. La progression du joueur était déterminée par le matériel génétique à récolter sur les ennemis tombés au combat.

« Nous avions prévu un paysage extraterrestre coloré avec de nombreux environnements différents - quelque chose qui se démarquerait et qui exploiterait les forces et les limites de notre moteur. »

Frontier Dreamcast a été conçu pour être joué avec une manette ordinaire. Pour rendre cela (théoriquement) possible, les mécanismes de jeu allaient être agressivement rationalisés. Pour les interactions sociales, les développeurs songeaient à doter les menus déroulant d'options préfabriquées plutôt qu'un clavier (au moins par défaut), peut-être comme Phantasy Star Online le fera plus tard...

Configuaration des touches de la manette pour Frontier, ou comment s'imaginer y jouer !

Pad-Frontier-Dreamcast

« La chose qui rendait Frontier spécial et qui, je pense, nous a permis de conclure le marché - était qu'il s'agissait fondamentalement d'un jeu d'élevage de créatures. »

Rares sont les jeux Dreamcast ayant réellement bénéficié des fonctionnalités du VMU (VMS). Avec le MMO de Turbine, son écran se voyait être utilisé comme un "traducteur" qui transformait les pensées et les comportements des créatures élevées en un langage compréhensible par le joueur. Ainsi, il pouvait interpréter ce qu'elles pensaient et interagir convenablement avec elles.

Les apparences sont tompeuses, ce n'est pas un endroit paradisiaque

Artwork Frontier Dreamcast

Dans ce titre, les joueurs enfilaient le costume de scientifiques sur une lointaine planète étrangère. La méthode d'exploration de l'astre consistait à élever des créatures à partir de l'ADN extraterrestre trouvé sur place et à les utiliser comme une sorte de drone vivant à distance. Le but était de rassembler et de commander à distance sa propre ménagerie d'Aliens, élevée avec amour et façonnée selon son style de jeu,  pour s'aventurer dans le monde tandis que la forme humaine du joueur restait en orbite en toute sécurité.

« Avec le recul, il est intéressant de constater que nous n'avons guère réfléchi aux implications éthiques d'un tel scénario. »

Concept Art Frontier Dc

Le concept de Frontier reposait essentiellement sur l'élevage d'animaux, ce qui allait le démarquer des autres jeux sur le marché ou en cours de développement. Les bestioles élevées par les joueurs pouvaient attaquer un ennemi et lui dévorer le corps pour recueillir des échantillons génétiques afin de donner vie à des hybrides génétiquement modifiés. En mélangeant le matériel biologique d'un extraterrestre existant à un échantillon d'ADN nouvellement récolté, une créature inédite naissait combinant les aspects et les caractéristiques des deux. La combinaison semi-aléatoire des ADNs signifiait que chaque nouvelle hybridation était influencée par la chance (certainement basée sur l'équivalent d'un système de drop rate), dans une certaine mesure. Pour vaincre des ennemis de plus en plus grands et forcément plus puissants afin de débloquer leur code génétique, le joueur, plutôt ses monstres, devaient s'endurcir et devenir plus fort.

« J'avais mis au point un tableau Excel qui montrait comment nous pouvions convertir un ensemble de caractéristiques ADN de créatures aléatoires et croisées en caractéristiques typiques d'un jeu de rôle. »

La progression des créatures, l'évolution de leurs statistiques ou leurs montées en level, était basée sur l'entraînement et plafonnée en fonction des limites définies par leurs ADNs. Elles vieillissaient impliquant une croissance physique dans leur apparence et une éventuelle fragilité, en prenant de l'âge, dans leurs défenses.

« On s'est efforcé d'intégrer l'idée qu'il s'agissait de créatures que l'on élevait, que l'on faisait grandir et que l'on devait éventuellement faire évoluer par l'intermédiaire de leur progéniture. »

Le jeu de Turbine, en plus de l'exploration de la planète, intégrait le mode de combat autorisant la lutte entre les personnages contrôlés par les joueurs (Joueurs contre Joueurs) avec un indicateur PK (Player-Killer), des zones mondiales avec différents degrés de permissibilité pour le JCJ et des classements qui en résultaient.

« Je pense que cela était basé sur ce que nous explorions avec Asheron's Call à l'époque. Parmi les différentes zones du monde, il y avait des arènes qui permettaient à n'importe qui de participer à des actions PVP. »

Y rentrer ou pas ?

Sketche Frontier Dreamcast

Un drôle de croisement d'espèces

Un grand nombre de quêtes était  plannifié mais c'était avant que WOW ne redéfinisse les attentes en matière de densité du contenu des quêtes. Il est vrai que le MMO de Blizzare avait fait fort sur ce point !

« Il y avait une idée de "créatures, d'œufs et de banques d'ADN partagés" qui aurait fourni un autre moyen pour les joueurs de collaborer. »

L'aspect communautaire n'était pas en reste puisque l'échange de créatures et de ressources entre joueurs était prévu. Les développeurs, avant son annulation, concevaient une variante du système d'allégeance d'Asheron's Call. Dans AC, les actions sociales sont mises en place dans une  organisation monarchique qui n'est pas sans rappeler une structure de guildes se distinguant des autres MMOs. Aucun Raid (les Raids désignent généralement les événements d'envergure auxquels participent de nombreux joueurs afin d'atteindre un objectif précis) n'était envisagé. Ce format de jeu épique s'établira  et se popularisera avec la sortie de World of Warcraft en 2004.

Unreleased Frontier Dreamcast Artwork

« Il était question d'utiliser des édifices semblables à des salles de guilde - des temples - pour encourager les conflits entre les allégeances. Avec le recul, tout cela ressemble à un "mettons toutes les idées sur le papier" et je suis sûr que nous aurions supprimé BEAUCOUP de ces propositions pour la version finale. »

Le développement et l'annulation de Frontier

L'annulation de Frontier était une prise de décision mutuelle entre SEGA et Turbine pour rompre le contrat qui les liait. À ce même moment, Asheron's Call prenait enfin en charge les cartes graphiques 3D ce qui contribua grandement à leur MMO fétiche et qui était nécessaire pour un moteur console, une semi-victoire malgré la fin précipitée du projet Dreamcast. L'équipe de développement était déçue de ne pas avoir pu aller au bout de leurs envies , elle qui avait une idée novatrice pour leur future production.

« A l'époque, j'avais acheté une guitare électrique d'occasion super bon marché, qui avait une forme sympa mais qui ne fonctionnait pas. À la fin du jeu, les artistes ont dessiné sur la guitare quelques-uns de leurs motifs extraterrestres préférés, puis nous l'avons écrasée sur le parking dans le style Rock-Star. C'était une façon cathartique de dire au revoir à Frontier. »

Le développement de  Frontier a duré environ un an, principalement consacré à l'approfondissement de son design et à son prototypage technique. Avant son abandon, le Team disposait  de documents conceptuels complets reflétant leurs ambitions, d'un prototype dévoilant des mécaniques de jeu sur PC et d'un autre tournant sur le véritable Hard de la Dreamcast.

Modèle d'animation, sur papier, des créatures de Frontier

Sketche Frontier Dc

Une quantité abondante de documents conceptuels avait été rédigée (cette étape est abordée et expliquée en détail dans la sortie de Vectorman Playstation 2). Ils expliquaient la physiologie des différents systèmes de jeu tels que les mécanismes de combat, comment l'interface utilisateur était envisagée, la progression des niveaux,  l'articulation des interactions sociales et bien d'autres choses. À l'époque, un éditeur demandait un GDD (Game Design Document) complet pour prouver les prémisses d'un jeu, se faire une idée à son sujet, puis une fois le jeu approuvé,  se rassurer quant à l'avancement du projet, puisqu'il était mis à jour régulièrement.

« En réalité, ces documents étaient au mieux un point de départ pour le développement itératif qui remodelaient la conception du jeu au fur et à mesure de son avancement. Dans le pire des cas, un GDD devient un outil de négociation misérable entre les éditeurs et les développeurs, étouffant le processus par lequel les bonnes idées deviennent meilleures. »

L'élevage de créature dans Frontier n'est pas à prendre à la légère

Turbine Frontier Dreamcast

Lorsque la capacité à faire avancer la technologie est limitée, la rédaction de documents de Game Design et d'illustrations est un moyen relativement peu coûteux de faire évoluer un jeu.

« Dans le cas de Frontier, je pense que le long document de conception était également un moyen important de faire avancer le projet pendant que l'équipe d'ingénieurs de Turbine, très débordée, essayait de porter notre moteur sur console, tout en essayant de terminer Asheron's Call (dont la date de sortie avait été repoussée de plus en plus tard au fur et à mesure que le jeu avançait). »

Unreleased Frontier

Les MMOs sont des jeux complexes à programmer qui demandent un temps de développement considérable. Il aurait fallu sans doute 1 année supplémentaire pour finaliser Frontier et satisfaire les mordus de jeux en réseaux sur Dreamcast !

« Nous avions une idée unique, nous nous étions battus pour la concrétiser et nous avons dû nous arrêter avant que le travail le plus intéressant (la construction et l'itération de l'expérience de jeu) n'ait commencé. »

Le noyau dur de l'équipe de développement pour Frontier était composé de 10 personnes. Il est  impossible de donner un chiffre exact, beaucoup d'employés de chez Turbine y ont contribué à temps partiel tout en finissant Asheron's Call.

Frontier Dreamcast Unreleased

La build se lançant sur Dreamcast, à localiser si elle n'a pas été détruite, était un "Test Client" destiné à démontrer comment le côté console du jeu fonctionnait et la capacité des membres de Turbine à afficher un monde et un joueur sans avoir besoin d'être connecté à un serveur. Le prototype PC (préservé mais non fonctionnel), lui, était un exemple de la façon dont les développeurs songeaient pouvoir mélanger l'art des créatures - des personnages avec leur ossature, leurs maillages et leurs animations différentes - pour créer des hybrides uniques. Il s'agissait d'une démo technique rapide avec un ensemble d'échantillons relativement restreint qui permit à tout le monde de s'extasier devant le potentiel de Frontier Dreamcast.

photo frontier dreamcast turbine

« Il y avait un prototype Windows que je n'ai pas réussi à faire fonctionner sous Windows 10. Nous avions des dessins conceptuels pour un certain nombre de biomes et nous avions créé des éléments de test pour au moins l'un d'entre eux avant que le développement ne s'arrête. »

Un abonnement mensuel allait sans doute être obligatoire pour y jouer dû aux coûts supplémentaires liés à la mise en place et l'entretien des serveurs. Malheureusement, le développement de Frontier Dc n'était pas suffisamment avancé pour que l'équipe de Turbine puisse réellement réfléchir à  un modèle économique adéquat pour leur jeu.

L'après Frontier

Aujourd'hui, personne ne semble connaître le détenteur de la propriété intellectuelle de Frontier. Il est peu probable que l'IP soit une priorité pour SEGA s'ils en sont les titulaires. Avec les changements intervenus pour Turbine, racheté par Warner Bros. Discovery Home Entertainment en 2010 et rebaptisé WB Games Boston en 2018, il se peut qu'ils n'aient pas connaissance de cette licence si elle figure dans leur portfolio. Il n'a jamais été envisagé de poursuivre le développement de Frontier sur une autre console ou sur PC.

Une affiche digne des film de série Z (Monster Island)

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La nature trouve toujours son chemin (Monster Island)

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« Soit Sega possédait suffisamment de droits de propriété intellectuelle pour qu'il soit compliqué de continuer, soit l'idée était trop audacieuse pour attirer un autre éditeur. Un MMO de science-fiction ambitieux proposé par un développeur qui n'a pas encore fait ses preuves allait être difficile à vendre étant donné les budgets élevés nécessaires pour proposer un jeu massivement multijoueur. »

Suite à l'annulation du titre Dreamcast, Turbine démarra la production d'un nouveau jeu en revisitant certaines mécaniques et concepts de Frontier. Ce nouveau MMO, baptisé Monster Island avec une thématique typiquement japonaise, les *kaijū, ne trouva aucun éditeur prêt à le financer.

*Un kaijū, le nom japonais pour désigner des créatures étranges et particulièrement des monstres géant,  est plutôt vu comme une force de la nature devant laquelle l'homme est impuissant et non pas une force du mal.

« Monster Island n'était rien de plus qu'un pitch, visant à adapter le concept et les mécanismes de Frontier en dehors de la propriété intellectuelle de Frontier. Nous nous sommes amusés à créer un dossier de présentation qui, nous l'espérions, attirerait l'attention d'un éditeur. »

Destiné pour un public cible entre 13 et 17 ans (ESRB "T"), Monster Island se déroulait sur une île paradisiaque en apparence avec une station balnéaire en son sein. Se détachant du ton sérieux de Frontier, le jeu axait son aventure sur l'humour comme le suggère les quelques Artwork dépeignant son ambiance. Son développement était calculé pour durer 20 mois sans prendre en considération les éternels retards.

« Nous avons prévu que les joueurs humains soient représentés par un nom, un dossier et un portrait. Je pense que nous voulions éviter de créer un ensemble totalement séparé d'art et d'animations pour les avatars. »

Qui sait, peut-être qu'un jour nous aurons la chance d'essayer la courte démo prototypée de Frontier même si son intérêt, à jouer, est moindre mais au combien importante dans la documentation et la préservation des Unreleaseds de la Dreamcast.

Je tiens à remercier Chris Foster : de sa disponibilité, de sa gentillesses, d'avoir pris le temps de répondre à mes questions, d'avoir partagé des screenshot et des Artworks de Frontier et même plus. Son témoignage  nous permet de mieux comprendre ce que Frontier Dreamcast allait devenir.

Je remercie tout le Team de Turbine impliqué dans le projet Frontier (Mobygames de Ashron's Call).

Remerciements :

  • à Neil Riddaway pour la correction anglaise du texte de l'article.

  • à Hick pour la correction française du texte de l'article

  • à Benedikt Scheffer pour la création de la Cover pour  Frontier Dreamcast

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